Beurrerie Fromagerie de la Fontaine-des-Veuves (17)
LAITERIE COOPÉRATIVE DE LA FONTAINE-DES-VEUVES 17BB
LA FONTAINE DES VEUVES: L’histoire de la fontaine des Veuves, ou plutôt la légende — il y a toujours, on le sait, la légende en marge de l’histoire — est contemporaine, connexe même, pourrait-on dire, à l’expulsion des Anglais de Saint-Jean-d’Angély, en 1872, par Patrice de Cumont, maire de la cité à la tète de sa milice municipale. Le château de Ribemont, sentinelle avancée au nord de Saint-Jean-d’Angély, gardait, au moyen-âge, la vallée de la Boutonne. Il a subi le sort commun à presque toutes les forteresses de la féodalité : tout a disparu de lui, jusqu’à son nom ; la superbe demeure qui occupe sa place aujourd’hui s’appelle Mornay, castel (tout le monde de notre région sait cela) ayant appartenu à l’honorable famille Roy de Loulay, qui représenta l’arrondissement de Saint-Jean-d’Angély, à la Chambre des Députés et au Sénat, pendant plus d’un demi-siècle, à l’époque où notre région était bonapartiste.
Dans la vieille France de Charlemagne, de Philippe-Auguste, de Saint-Louis les seigneurs féodaux étaient de véritables hommes de guerre. Ils savaient choisir avec soin l’emplacement de leurs châteaux forts. C’est pour cela que beaucoup d’entre eux pouvaient supporter, sans crainte, des sièges de plusieurs mois.
Ribemont, caché derrière un rideau d’arbres, protégé par les coteaux dont il était environné, barrait lu route à l’ennemi tenté de prendre « Angeri » (Saint-Jean-d’Angély plus tard) en descendant le cours de la Boutonne. C’était une forteresse se dressant soudain devant l’adversaire se croyant près du but.
On ne pense guère maintenant, quand on visite, notamment l’été, le site vraiment séduisant où se trouvait jadis Ribemont, aux mauvais jours qui ont ensanglanté un des plus jolis coins de la Saintonge. La Boutonne, depuis la Ville-des-Eaux, tout là-bas vers Availle, à l’ombre de la forêt de Chizé, jusqu’à Saint-Julien-de-l’Escap, coule, limpide, aux pieds des peupliers, dessinant des courbes gracieuses, se divisant en de multiples nervures et formant de minuscules îlots. La flore des prairies s’épanouit voluptueusement sur ses rives, alors que, dans les champs voisins, émergent les bleuets et les coquelicots. C’est peut-être pour faire oublier un passé tragique et barbare que la nature a posé avec tant de coquetterie la verdoyante vallée où fut jadis le château féodal de Ribemont. En prodiguant ses grâces, elle n’en a pas cependant effacé les souvenirs. Le village de la Chevalerie et la fontaine des Veuves sont toujours là pour rappeler à ceux qui viennent promener leurs pensées sur les bords de la Boutonne, entre Saint-Pierre-de-I’Isle et Saint-Purdoult, que les châtelains du moyen-âge citaient des cours d’amour à Ribemont ; que de nobles seigneurs y furent par elles armés chevaliers ; que les veuves de la guerre de Cent ans y pleurèrent leurs douleurs. Les chevaliers de la Table Ronde sont venus s’asseoir dans l’antique forteresse ; les Trouvères de la « gaie science » ont dit leur poème d’idéal et de ten dresse naïve à la dame de céans. De ces chantres de l’honneur et de l’amour, de ces soldats « sans reproche », esclaves du parage et de la foi jurée, le village de la Chevalerie conserve encore aujourd’hui le souvenir, par-dessus les siècles où tant de mystère reste caché. La fontaine des Veuves évoque les plus tristes années de la Saintonge. Nous avons dit, ci-dessus, que l’histoire de la fontaine des Veuves était contemporaine de l’expulsion des Anglais de Saint-Jean-d’Angély, voire même connexe, puisque ce sont les veuves des six bourgeois accusés d’être les instigateurs de la révolte et envoyés au bâcher par le gouverneur anglais de la ville, qui furent chassées brutalement hors de l’enceinte fortifiée avec défense d’y rentrer sous peine de mort, qui trouvèrent celle-ci non loin de la forteresse de Ribemont . En effet, Du Guesclin, informé du combat opiniâtre qui se livrait à Saint-Jean-d’Angély, approchait à marche forcée et, après avoir pris Aulnay, occupé comme Saint-Jean-d’Angély par les Anglais, il attaqua le château de Ribemont, lui aussi occupé par une garnison anglaise. Après le siège, un douloureux spectacle l’attendait sur la route, à un quart de lieue de la forteresse : six cadavres étaient cachés dans l’herbe, tout près d’une source, dont le mince filet coulait comme des larmes vers la Boulonne. Les malheureuses veuves des bourgeois d’Angéri, aperçues par la garnison anglaise de Ribemont, avaient été massacrées pendant qu’elles priaient pour le succès des armes de France. Devant les corps à peine refroidis de ces saintes victimes d’une guerre d’indépendance, Du Guesclin fit agenouiller son armée. Quelques mois plus lard, Charles V, alors roi de France, octroya le droit de chevalerie aux bourgeois de Saint-Jean-d’Angély et édicta que le ruisseau où venait se perdre la petite fontaine s’appellerait à jamais « le ruisseau du Roy ». La tradition populaire a respecté l’édit de Charles V en complétant toutefois la décision royale : elle a donné à la source modeste, teintée de sang dans une heure tragique, le nom de « fontaine des Veuves ». Pendant longtemps, la fontaine des Veuves a été un lieu de pèlerinage. Les moines Augustins, établis tout près, à l’Abbaye d’Oulme, y venaient en procession le jour de la Saint-Côme, avec toute la population des environs. Les veuves de l’année s’agenouillaient autour de la source, le prieur bénissait les eaux et en aspergeait ensuite l’assistance. Plus lard, François 1er, étant venu à Saint-Jean-d’Angély, autorisa les moines Augustins, en récompense à leur piété et à l’initiative qu’ils avaient prise d’instituer le pèlerinage de la fontaine des Veuves, à avoir un moulin sur la Boutonne, au devoir annuel d’une truite et d’une clochette d’argent. Ce moulin s’appela longtemps « le Moulin du Prieur ». François ler décida, en outre, que la Communauté ferait construire une chapelle près de la fontaine des Veuves où serait célébrée, quatre fois l’an, une messe d’action de grâce. Cette chapelle paraît avoir été détruite à la fin du règne de Henri III. Elle fut le rendez-vous, pendant plus de soixante ans, des veuves de toutes conditions qui venaient y chercher quelques consolations et peut-être aussi un peu d'espérance quand elles étaient jeunes. Catherine de Clermont, dame de Dampierre, mariée à quinze ans, veuve à dix-huit, mit en très grande faveur la fontaine vénérée et les prières qu’elle y fit ne furent pas vaines, puisqu’à vingt-deux ans elle se remariait avec un préféré de Catherine de Médicis. Après tant de siècles fondus dans le creuset de l’éternité, la fontaine des Veuves est une oubliée. Non loin du lieu où elle coule toujours a été édifiée la laiterie coopérative dite de « La Fontaine (les Veuves », qui produit un beurre exquis, apprécié de tous les consommateurs et dont nous allons essayer de vous retracer l’histoire (1).
Beurrerie-Fromagerie fondée en 1904, sous la dénomination sociale de « Laiterie Coopérative de Saint-Pierre-de-l’Isles ». où elle sinstalle au lieu-dit la Fontaine-des-Veuves, de cette commune de Saint-Pierre-de-l’Isle, où l’eau nécessaire au bon fonctionnement d’une beurrerie est abondante et sa qualité excellente. Dès 1906, au Concours Général Agricole de Paris, la Fontaine-des-Veuves, obtient une médaille de bronze pour la qualité de son beurre. En 1910, la dénomination change pour devenir « Laiterie Coopérative de la Fontaine des Veuves ». Cette même année est mise en service une chaudière Tournat de Surgères (Charente-Maritime) , de 10 chevaux, à charbon, qui va servir à faire fonctionner les appareils utilisés à la fabrication du beurre.
En 1914, Monsieur Auger, président de la Laiterie Coopérative, remettait à titre de contribution et d’aide à l’effort de guerre,100 francs à l’hôpital militaire, et 100 francs à chacun des deux hôpitaux auxiliaires. Le dimanche 9 juillet 1922 à 15h00, une conférence publique était donnée par Monsieur Chollet, professseur d’agriculture, à la Laiterie Coopérative de la Fontaine-des-Veuves, sur le thème de la sélection des vaches laitières et des concours beurriers. En 1929, c’est l’arrivée de l’électricité et très vite l’électrification de l’usine a lieu.
En 1928 est construite une porcherie à Saint-Pardoult.(Voir photo plus haut). Le plan cadastral napoléonien de 1825 ne mentionne aucun bâtiment à cet emplacement. Cet ensemble de quatre bâtis abritait la porcherie et la vacherie de la laiterie de la Fontaine des Veuves, située sur la commune de Saint-Pierre de l'Isle. La laiterie a cessé l'activité de la porcherie en 1985, puis elle a transformé les bâtiments en étables en 1989. Cette activité s'est poursuivie jusqu'en 1998. Le 1er septembre 1999, les bâtiments ont été rachetés par un particulier qui y a installé sont exploitation.
Le 04 avril 1937, une assemblée générale se tenait à laiterie. Cependant, le quorum pour la modification des statuts n’ayant pas été atteint, les sociétaires étaient invités à une nouvelle réunion le 18 avril pour délibérer sur la même question.
1939 Annonce l’Echo Saintongeais du 23 avril 1939. Laiterie Coopérative de la FONTAINE-DES-VEUVES Les Sociétaires de la Laiterie Coopérative de la Fontaine-des-Veuves sont priés d’assister à la RÉUNION GENERALE EXTRAORDINAIRE qui aura lieu le DIMANCHE 30 AVRIL, à 14 h. 30 (légale) au siège de la société. Ordre du Jour : Modifications aux statuts, conformément aux décrets-lois, le président Auger.
Dans les années 1950, l’usine abandonne la fabrication du fromage au profit de la caséine. Un nouveau bâtiment à usage de bureau est construit. Dix ans plus tard, en 1960, les bâtiments de la caséinerie sont agrandis. La Laiterie Coopérative compte à cette époque environ 500 sociétaires. La quantité de beurre produit quotidiennement varie entre 500 et 600 kilos. On y trouve du beurre doux, salé, cru, pasteurisé, moulé à la main, ou conditionné sous forme de plaquettes de poids différents. Les employés étaient polyvalents. Leur nombre variait entre 3 et 6 ouvriers. Ils pesaient les mottes de beurre, nettoyaient les machines, s’occupaient des barattes et des centrifugeuses, honoraient les commandes, conditionnaient les livres de beurres, vérifiaient les cartons, dataient les papiers d’emballage, moulaient les fromages et refaisaient chaque jour les gestes d’antan. La renommée de ses beurres était telle que cette petite beurrerie coopérative était encensée par tous les critiques gastronomiques de l’époque, comme le regretté Jean-Pierre Coffe. Elle comptait aussi parmi ses clients le chef Alain Ducasse.
À cause surtout de l’effondrement des cours de la poudre de lait, qui n’allaient d’ailleurs jamais remonter, le 30 juin 2003 la coopérative laitière de la Fontaine-des-Veuves va stopper définitivement la production artisanale de beurre en baratte. Elle aurait pu être centenaire en 2004 !
Serge Schéhadé [Camembert-Museum, le 03 mars 2020).
(1) Extrait d’un journal daté 24 mai 1936.
Date de dernière mise à jour : 17/09/2021