Laiterie Coopérative de Baignes Sainte-Radegonde, Commune de Touvérac, (Charente 16)
À la fin du 19ème siècle, après l’épidémie de phylloxera qui touche les Charentes, de nombreux viticulteurs vont se reconvertir dans la production laitière. En 1893, François Hillairet va fonder l’Union Coopérative des Propriétaires Laitiers de Baignes Sainte-Radegonde et ses Environs. C’est un siècle d’histoire de cette coopérative que nous allons vous raconter dans ces pages. Premier document fort intéressant que nous reproduisons intégralement, c’est cet historique signé Madame Duranteau.G. qui résume parfaitement l’histoire de cette coopérative.
LAITERIE COOPÉRATIVE DE BAIGNES SAINTE-RADEGONDE [TOUVÉRAC 16]
Au XVIIIème siècle, Baignes, grosse agglomération du sud-ouest de la Charente, appartenant à la fois à la Saintonge, par l'abbaye de Saint-Etienne et son quartier, et au Petit Angoumois, par la Seigneurie de Montauzier et Sainte-Radegonde, comptait de nombreux petits métiers : cloutiers, Cordiers, gallochers, maillocheurs de chanvre, laisniers, cardiers, boisseliers, bouchonniers, etc., mais aussi quelques manufactures d'une certaine importance : en 1778, deux épingliers, deux fabriques de cierges et chandelles, une « fayancerie» occupant trente ouvriers et neuf tanneries, dirigées par les «bourgeois tanneurs », avec dix-huit ouvriers, et dont le cuir, les peaux de chèvres et moutons étaient dirigés sur les marchés de ventes de Jarnac, Angoulême, Bordeaux.
Petits ateliers, occupant les échoppes, autour de la vieille halle (aujourd'hui disparue) et manufactures à l'emplacement actuel du champ de foire en Sainte-Radegonde, n'existent plus depuis longtemps, mais sont remplacés par une importante industrie laitière, source de richesse pour notre région : la Laiterie coopérative de Baignes, située à l'extrémité est de 1a ville, sur le territoire de la commune de Touvérac, à l'intersection des routes conduisant à la Nationale 10, l'une par La Grolle, l'autre par Chez-Rolland ou Reignac, bordée par la ligne de chemin de fer Barbezieux-Saint-Mariens, et entourée de belles prairies.
Au XIXème siècle, notre fertile contrée produisait surtout du vin pour le cognac. Mais, en 1877, le phylloxéra commença la destruction d'une gronde partie de nos vignobles, et il devint nécessaire de trouver une nouvelle source de revenus. « Courageusement, le viticulteur se remit à l'œuvre. Il replanta son vignoble en choisissant les meilleurs terrains, mais instruit par le malheur, il fit une part plus large à la culture du blé et, surtout, il se livra aux cultures fourragères. Il acheta des vaches et chercha à vendre son lait. » (M Guérive, « Images de France » Noël 1942.)
Dans nos fermes, s'organisa le ramassage du lait (par les deux filles de M, Gallais, pour sa laiterie de Mathelon, par le père Guillorit, pour celle d’Oriolles).
«C'est alors que, sous l'impulsion d'animateurs, comme Eugène Biraud, en Charente-lnférieure et Edmond Boutelleau, le grand-père de Jacques Chardonne, en Charente, l'industrie laitière ne tarda pas à se développer. Dès 1888, Eugène Biraud, s'inspirant de l'exemple des coopératives de panification, groupait autour de lui soixante propriétaires, et fondait la Laiterie Coopérative de Chaillé. D'autres, voyant son succès, l’imitèrent (M' Guérive), et créèrent de nombreuses laiteries coopératives charentaises, dont celle de Baignes, fondée, en 1893 par M. François Hillairet, né en 1848, au village de La Perdasse, en Sainte-Radegonde (et décédé en 1927).
Cette société se développa rapidement, grâce au dévouement et aux qualités professionnelles de son fondateur et de ses collaborateurs, et surtout après la grande guerre de 1914- 1918.
En 1929, le volume collecté par voitures à chevaux atteignait huit millions de litres; en 1937, plus de onze millions étaient livrés par les deux mille cinq cents sociétaires de la Charente et la Charente-Maritime. Pendant la seconde guerre mondiale, les difficultés de ramassage, les répartitions de zones arrêtèrent cette expansion et, à la fin des hostilités, comme toutes ses voisines, la Laiterie de Baignes se trouva devant de nombreux problèmes qu'elle put résoudre assez vite, et reprit sa marche en avant.
En 1957, un accord avec la Laiterie coopérative de Reignac-de-Blaye (Gironde), permettait à celle-ci de profiter des installations ultra-modernes de Baignes, ainsi que. de son puissant réseau commercial, pour l'écoulement des produits, tout en conservant, au point de vue financier et juridique, l'autonomie de chacune des sociétés. Un an plus tard, semblable accord était passé avec la Coopérative de Saint-Savin-de-Blaye (Gironde) puis, avec celles de Saint-Bonnet-sur-Gironde et de Clion-sur-Seugue (Charente-Maritime).
En 1958, se produisit une fusion avec la Coopérative de Gablezac-Montendre et, dernièrement, avec celles de Chepniers et Montguyon (les trois de Charente-Maritime).
Ainsi s'est formée une sorte de coopération entre coopératives, permettant une utile concentration industrielle, et 1a sauvegarde de la qualité des produits.
A l'heure actuelle, le ramassage de Baignes est effectué par vingt-neuf camions, transportant chacun deux ou trois citernes de quatre à cinq cents litres.
Pour 1962, la Direction envisage quarante-et-une tournées de ramassage, afin de collecter trente-six millions de litres de lait.
Chaque jour, avant midi, au quai de réception, trois stations de pompage assurent, après filtration, l'acheminement rapide du lait des citernes dans les tanks de réserves, l’écrémage et la pasteurisation suivant de très près ces opérations. La qualité du lait, à la livraison, est surveillée sérieusement par deux contrôleurs qui veillent aussi à l'état sanitaire du cheptel des sociétaires. La laiterie paie à la matière grasse. L'établissement est aussi agencé pour recevoir les crèmes: crème fermière d'une part, et crème laitière provenant des coopératives associées.
Dès le début, la Laiterie de Baignes s'est spécialisée dans la fabrication d'un beurre très fin, dont la qualité sut vite conquérir d'importants marchés. Les points de vente traditionnels sont à peu près régulièrement répartis sur le Midi et la Côte-d’Azur, en y ajoutant une fidèle clientèle algérienne. Les quantités commercialisées sont de l'ordre de plus d'un million de kilogrammes.
La Laiterie, dotée d'un matériel de pasteurisation et de dégazage, la fabrication du beurre étroitement surveillée, tout permet d'ajouter, à la finesse d'un Beurre charentais, la conservation d’un beurre pasteurisé. En 1956, le premier prix lui fut décerné à Angoulême et, en 1958, au Concours régional de Bordeaux, la médaille d'or lui fut attribuée. Le sous-produit, la caséine, est traité par l'usine caséinière voisine, et une fabrication de poudre de lait écrémé a été mise en route en 1957.
De plus, la Coopérative a installé, sur une ancienne propriété de vingt-cinq hectares, acquise au début de son existence, une porcherie de plein air, avec deux mille porcs, dont deux cents truies-mères et, au Pré-Féteau, un splendide troupeau de vaches normandes sélectionnées, sur lesquelles sont expérimentées les techniques d'élevage paraissant convenir à la région.
Il convient de noter l'effort incessant de modernisation, tant du matériel, des bâtiments, des installations ultra-modernes que des méthodes de 1a Direction et du Conseil d'administration, encouragés par la compréhension des sociétaires et qui, par un prodigieux essor, ont fait de notre Laiterie coopérative un établissement d'une importance considérable, le premier du genre dans notre région.
Document signé Madame Duranteau. G. [années 1960)
Évoquer un siècle de l’histoire d’une entreprise, c’est nécessairement bien connaître l’ensemble de ses dirigeants, qui ont réussi à la développer et à la hisser au niveau national, mais c’est aussi une étude approfondie de ses statuts dont voici résumées les dispositions essentielles
L’union coopérative des propriétaires laitiers de Baignes et environs a pour but la fabrication des beurres et fromages en commun, afin d'en obtenir les prix les plus élevés, et l'exploitation d'une porcherie.
Chaque propriétaire s'engage à fournir à la Société tous ses produits hors sa consommation, c'est-à-dire qu'il devra déclarer en entrant le nombre de vaches laitières qu’il possède, et pour lesquelles il aura à payer une cotisation ou mise d'entrée, à raison de 15 fr. par tête. Cette mise d'entrée est destinée à couvrir l'achat et
l'entretien du matériel et des accessoires nécessaires à l'installation de la Société. Chaque sociétaire n'est engagé que pour le montant de ses entrées. Toute latitude est laissée aux sociétaires pour le paiement de leur cotisation à la condition d'en payer une partie en entrant, ils obtiennent, sur leur demande, un certain délai, pendant lequel ils sont soumis à une retenue d'au moins 15 pour cent sur la vente de leur lait;
Il leur est aussi possible d'obtenir l'autorisation de réserver une certaine quantité de lait, soit pour élever une portée de porcs, soit pour faire du beurre pour leur consommation.
Tout sociétaire pourra céder son droit, qui est indivisible, après autorisation préalable du bureau, à condition toutefois que le successeur habite la circonscription sociale.
Le bureau se compose d'un président, de deux vice-présidents et de six membres dans chaque commune de la circonscription, les associés nomment, par vingt sociétaires ou fractions de vingt, un membre surveillant, chargé de marquer et de surveiller les vaches déclarées, les relations du porte-lait avec les sociétaires, l'estimation des vaches en cas de perte, etc.
Le bureau peut prononcer, et sans appel, l'exclusion d'un membre qui aura agi avec fraude en livrant des produits falsifiés ou de mauvaise qualité.
Le budget se compose, en recettes des cotisations versées par chaque sociétaire, du produit de la vente des beurres et fromages, de la vente des porcs, etc. En dépenses de l'achat du matériel, des frais d'envoi des produits, des remises aux courtiers qui ramassent le lait, de l'achat des porcs, etc.
Chaque mois, une répartition de 0 fr. 10 par litre de lait fourni sera allouée aux sociétaires. A la fin de l'année, le bénéfice sera affectée en partie à payer les obligations sorties par voie de tirage au sort le reste sera reparti moitié à un fonds de réserve, moitié distribuée aux sociétaires au prorata de la quantité de lait fournie.
Enfin, ce qu'il y a de particulièrement intéressant dans l'organisation de la laiterie coopérative de Baignes, c'est l'assurance contre la mortalité des vaches. Il sera remboursé aux sociétaires, après expertise, 75 pct du prix estimatif des vaches qui, par mort ou accident, auront été perdues par eux.
Tout sociétaire indiquera le nombre de vaches qu'il aura assurées et celles ci devront, de rigueur, porter la marque de la Société. Les vaches dont la mort serait causée par la force majeure (épizootie, incendie, foudre, etc.) ne seront pas payées au propriétaire il doit, dans les deux cas, justifier de la visite du vétérinaire.
Date de dernière mise à jour : 15/03/2022