Massonnaud Félix (Chasseneuil 16)
MASSONNAUD JEAN-FÉLIX, LAITERIE FROMAGERIE DE LA VALLÉE DE LA BONNIEURE, CHASSENEUIL 16.
Jean Félix Massonnaud est né en 1879 à Valence (Drôme). Il épouse le 17 décembre 1904, Mlle Marie Louise Moreau, née en 1882 à Chasseneuil. Naissance en 1906 de leur fils Édouard. En 1914, il demeure à Paris, 96 rue de Rivoli et le 1er janvier 1915, il se retire de la société en nom collectif «Randon, Touillaud, Massonnaud» dont le siège social était situé 3, rue de Turbigo à Paris avec des succursales à Levallois-Perret, Pantin, aux abattoirs de Vincennes et de Boulogne-sur-Seine (Boulogne-Billancourt). Cette société était spécialisée dans l’achat et la vente de porcs en gros.
Jean-Félix Massonnaud était un entrepreneur, un bâtisseur, qui n’avait aucune formation particulière dans le domaine de l’industrie du lait et de ses dérivés. Après la première Guerre Mondiale, la famille Massonnaud va faire construire à Chasseneuil un important abattoir industriel pour la fabrication et la commercialisation de viande en boîtes de conserve. Elle obtient facilement l’adhésion du conseil municipal de l’époque à la seule condition de se conformer aux lois d’hygiène et de prendre toutes les précautions nécessaires afin d’éviter la pollution des cours d’eau, dont la Bonnieure.
Le 13 décembre 1923, Monsieur Jean-Félix Massonnaud va racheter à Monsieur Aimé-Julien TERRACHER des Sablons, commune de Saint-Laurent-de-Céris, le fonds de commerce et d’industrie de laiterie et beurrerie exploité aux Sablons, comprenant le titre de successeur de M. Terracher, la clientèle, l’achalandage et le matériel servant à l’exploitation. C’est ainsi que commence l’aventure laitière.
En 1924, toujours à l’initiative de M. Massonnaud, La Laiterie Fromagerie de la Vallée de la Bonnieure, distante d’une quinzaine de kilomètres seulement de Saint-Laurent-de-Céris est fondée à Chasseneuil. Elle comprenait un logement patronal, un bureau, ainsi que deux ateliers de fabrication, un hangar ouvert et une porcherie. Elle était toute proche de la gare de Chasseneuil, facilitant ainsi les nombreuses expéditions journalières des produits laitiers. En 1929, la laiterie Massonnaud est récompensée au Concours Général Agricole de Paris d’une médaille d’argent.
MASSONNAUD, LES ANNÉES 1930, EXTENSIONS ET PROJETS.
Le directeur de la fromagerie Massonnaud en 1935 était Monsieur Pestre. Une importante caséinerie avec des appareils modernes existait déjà. Dépôt le 28 octobre 1936 au greffe du tribunal de commerce de Confolens de la marque de fromage camembert UNIC, avec comme visuel la fable du corbeau et du renard. A la veille de la seconde guerre mondiale les affaires sont prospères. Des opportunités se présentent avec des terrains et des maisons mises en vente par leurs propriétaires et situées à proximité de la laiterie.C’est ainsi que le 19 février 1939, en l’Étude de Maître J. Penot, avocat, avoué près le tribunal civil de Confolens et par acte reçu par Maître David, notaire à Chasseneuil le dix neuf février mille neuf cent trente neuf, enregistré, Monsieur Félix-Jean Massonnaud, industriel, domicilié à Chasseneuil, agissant au nom de la Société à Responsabilité limitée «Félix Massonnaud», laiterie, fromagerie de la Vallée de la Bonnieure au capital de 525,000 francs dont le siège social est à Chasseneuil, acquiet de dame Valentine-Amélie Desselas, sans profession, domiciliée à Chasseneuil, veuve en premières noces non remariée de Monsieur Alexandre Clément, et de Monsieur Valentin Gaston Clément, propriétaire et marchand forain, veuf en premières noces de dame Jeanne Noémie Delage, époux en secondes noces de dame Yvonne Chalupt, domicilié à Mussidan 29, rue de Bordeaux.
PREMIÈREMENT : Une maison d’habitation située à Chasseneuil, ayant sortie sur l’avenue de la gare par un couloir de un mètre de largeur, établi dans l’un des magasins qui sera ci-après désigné. Cette maison comprend une cave, quatre pièces au rez-de-chaussée, jardin derrière qui rejoint la voie ferrée.
DEUXIÈMEMENT : La pleine propriété des immeubles ci-après désignés.
1° Une construction à usage de hangar et de magasin, faisant corps avec les bâtiments ci-après désignés, située à Chasseneuil, avenue de la Gare, cadastrée numéro quatre cent trente deux partie, section D, confrontant l’avenue de la Gare, Gamaury et les immeubles ci-après. 2° Un corps de bâtiments situé à Chasseneuil, avenue de la Gare, en face du Champ de Foire, comprenant : magasin de quincaillerie avec bureau à la suite ; maison d’habitation séparée des magasins par un vaste passage couvert, cette maison composée de : cave, deux pièces au rez-de-chaussée, six pièces au premier étage s’étendant tant sur les deux pièces du rez-de-chaussée que sur le passage et les magasins, grenier sur le tout. Cour dans laquelle sont des servitudes et un puits, jardin à la suite, le tout se tenant, paraissant figurer au plan cadastral de Chasseneuil, sous le numéro quatre cent quarante trois partie de la section D, et confrontant devant l’Avenue de la gare derrière la voie ferrée, d’un côté Coiteux, d’autre côté le hangar et le jardin désigné sous les paragraphes un et deux ci-dessus. 3° Une parcelle de terre en nature de jardin et de pré, située au lieu-dit les Bourdichoux ou le Balzac, commune de Chasseneuil, cadastrée numéros 399 partie, et 431 partie, section D, pour une contenance de soixante seize ares, soixante et onze centiares.
Tels que ces immeubles existent sans exception, ni de réserve, et en général tous les immeubles appartenant à un titre quelconque à M. & Mme Clément, vendeurs et situés sur la commune de Chasseneuil. Cette vente a été faite moyennant le prix principal de cent vingt cinq mille francs (125,000 francs) payé comptant. Copie collationnée de cette vente a été déposée au Greffe du Tribunal Civil de Confolens le 18 mars 1939 et le procès-verbal de dépôt délivré par Monsieur le greffier a été signifié à Monsieur le Procureur de la République, près le tribunal civil d’Angoulême, à Madame Yvonne Chalupt, épouse séparée quant aux biens de M. Valentin-Gaston Clément et à Monsieur Paul Dumas, subrogé-tuteur des mineurs Yvonne et Jacqueline Clément. Cette insertion est faite conformément à l’avis du Conseil d’État du 09 mai 1807 et a pour but de purger les immeubles vendus de toute inscription d’hypothèque légale inconnue. Un mois plus tard, le 19 avril 1939, la Société Félix Massonnaud, laiterie fromagerie de la Vallée de la Bonnieure, dont le siège social est à Chasseneuil, rachetait à Monsieur Gustave Gemot, cafetier, son fonds de café-buvette situé place de la gare et connu sous le nom de «Café de la Gare». C’est probablement à notre connaissance, la seule laiterie en France à acquérir une buvette toute proche pour la plus grande satisfaction de ses employés ?
MASSONNAUD : LA MAIRIE ET LA POLITIQUE PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE.
Félix Massonnaud sera nommé maire de Chasseneuil pendant la deuxième guerre mondiale, il occupera ce poste du 21 mars 1941 au 29 septembre 1944.
Le 10 février 1941 le conseil municipal, autour de son maire élu en 1935, Édouard Pascaud, se réunit à l’Hôtel de Ville en séance « ordinaire ». Il ne sait pas encore que c’est sa dernière réunion. En effet, quelques jours plus tard, le député-maire Pascaud est congédié avec tout son conseil municipal par le préfet de Vichy. Une nouvelle loi du 16 novembre 1940 autorise ces derniers à nommer les maires des villes de plus de 2000 habitants.
Pourtant en juillet 1940, le radical-socialiste Pascaud avait voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Mais en 1940, Pétain n’était-il pas ? Comme le dit Raymond Troussard : «une bouée de sauvetage à laquelle il fallait se raccrocher». En ce début de 1941, les hommes du Gouvernement de Vichy n’avaient plus confiance en lui. Il fut remplacé par le directeur de la laiterie Jean-Félix Massonnaud. Le 21 mars 1941, le nouveau maire réunit son conseil en son lieu habituel en présence du sous-préfet de l’arrondissement de Confolens M. Poggioli. Seul, manque à l’appel pour écouter l’allocution de M. Massonnaud, M. Bertrand prisonnier de guerre. « Je remercie M. le sous-préfet d’avoir bien voulu assister à la séance d’installation du conseil municipal de Chasseneuil nommé par arrêtés préfectoraux des 10, 13, et 14 mars 1941, et le prie de transmettre à M. le préfet de la Haute-Vienne mes remerciements personnels de m'avoir confié les fonctions de la Mairie, ainsi que ceux de tous mes collègues.
En prenant possession de la Mairie, notre première pensée sera pour honorer la mémoire des enfants de Chasseneuil morts pour la France. Que les familles en deuil, veuillent bien être assurées de notre dévouement et de notre reconnaissance. Je n'oublie pas non plus nos prisonniers, et la meilleure preuve de notre sollicitude à leur égard, est la place que j’ai réservée ici à notre camarade Bertrand. Nous formons des vœux ardents et sincères pour qu’ils rentrent au plus tôt dans leurs foyers. Je ne dissimule pas que des difficultés nous attendent, mais nous nous efforcerons tous, de les surmonter dans la plus étroite collaboration et toujours avec fermeté et justice. Au nom du conseil municipal de Chasseneuil, je tiens à adresser l'hommage de notre admiration et de notre reconnaissance, ainsi que de notre dévouement à M. le Maréchal Pétain, chef de l’état français en nous inspirant de la devise : Travail - Famille – Patrie ».
Puis il invite le conseil à adresser ses vœux au « Vénéré Maréchal » :
« Le nouveau conseil municipal de Chasseneuil, réuni en sa première séance, le 21 mars 1941, adresse ses hommages respectueux au maréchal Pétain, chef de l'état français et donne l’assurance que dans ses délibérations et ses actes il s'inspirera de la devise Travail - Famille – Patrie ». Le conseil unanime lève la main en signe d’approbation, alors le nouveau maire termine : « je constate votre unanimité et vous en remercie bien sincèrement.
Vive Chasseneuil Vive la France. »(2)
M. Massonnaud ne pouvait pas mieux dire lorsqu’il déclara : « des difficultés nous attendent... ». La transition se passe très mal avec l’organisation de la mairie et des services communaux. Tout d’abord, il n’y a plus rien dans le bureau du maire ; ensuite le bureau et les deux lampes des secrétaires appartiennent au maire « démissionnaire » Pascaud. Dans la salle des fêtes, 116 chaises lui appartiennent aussi. Le garde champêtre Callaud est chargé de « faire l’état des lieux » et puis « les anciennes secrétaires ayant cru devoir ne plus continuer leurs fonctions » (4 dont le secrétaire de mairie), il faut en trouver d’autres ! Et ce ne sera pas facile !… (1)
Le 24 avril M. le maire donne connaissance au conseil de la réponse du maréchal Pétain :
Vichy, le 15 avril 1941Monsieur le maire,
Le maréchal Pétain a pris connaissance du texte de l’allocution que vous avez prononcé lors de la séance d'installation du nouveau conseil de Chasseneuil. Très touché des sentiments qui lui sont témoignés, le chef de l’état me charge de vous en remercier et d’être auprès des membres de votre assemblée, l'interprète de ses vœux pour l’heureux accomplissement de leur tâche.
Veuillez agréer, Monsieur le maire, l’assurance de ma considération distinguée.
Le Général d'Armée
Secrétaire Général du chef de l'état
Président du Conseil
P O. Le chef du cabinet militaire
Signé : Carnpot
À la fin de l’année 1941, Jean-Félix Massonnaud enverra une nouvelle fois l’assurance de son dévouement au maréchal Pétain et à l’amiral Darlan à la suite du décès du général Huntziger, ministre de la guerre. Darlan le remerciera le 26 décembre 1941. Aussitôt la municipalité de Jean-Félix Massonnaud installée, les premières enquêtes arrivent. La chasse aux juifs est lancée, les avis placardés et les malheureux seront arrêtés, pourchassés, déportés et exterminés dans les camps de la mort. Une liste est établie à Chasseneuil dès le mois de juillet 1941. Certains seront dénoncés... Et ne reverront plus jamais Chasseneuil !…
Nomination de Gérant : Suite aux délibérations du 05 janvier 1943, Monsieur Édouard Massonnaud, industriel, fils de Monsieur Jean-Félix Massonnaud, demeurant à Chasseneuil, est nommé gérant de la S.A.R.L. Félix Massonnaud, Laiterie Fromagerie de la Vallée de la Bonnieure, au capital de 832.000 francs à compter du 1er janvier 1943.
1954, selon facture, la société Massonnaud est une SARL au capital de 9.024.000 francs. Elle fabrique du camembert, de la caséine, et du beurre. En 1965 M. Massonnaud fils emploie 200 salariés et ses camions sillonnent le département ramassant quotidiennement jusqu’à 140.000 litres de lait.
Dans les années 1970-1980, la laiterie fromagerie Massonnaud devient une succursale de la laiterie Lescure de Claix, jusqu’à sa fermeture définitive en 1990. La qualité est toujours là et les récompenses aussi : 1972 & 1973, médailles d'argent pour un fromage de chèvre pasteurisé à 45 pct de MG. 1973, Médaille d'or pour un fromage de chèvre pasteurisé. 1983, médaille d'or pour un camembert pasteurisé à 45 pct de MG & médaille d'or pour un fromage de chèvre pasteurisé à 46 pct de MG. 1984, pour un fromage pasteurisé à 40 pct de MG. 1985, médaille d'argent pour son lingot de chèvre pasteurisé 45 pct MG. 1987, médaille de bronze pour son lingot de chèvre pasteurisé 45 pct MG. Enfin 1989, médaille d'argent pour son camembert pasteurisé et médaille de bronze pour son carré pasteurisé (2). Les lieux seront occupés par une grande surface et les activités seront transférées à Saint-Saviol, dans le département de la Vienne (86).
Serge Schéhadé [Camembert-Museum, première publication le 06 mars 2022]
Sources : (1) Histoire Contemporaine de Chasseneuil-sur-Bonnieure (site officiel de la ville de Chasseneuil).
(2) Récompenses et médailles contribution de M&Mme Gérard.
Date de dernière mise à jour : 07/04/2022