Lavergne Jean-Noël (CHAIL, 79)

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LAVERGNE JEAN-NOËL, CLUSSAIS LA POMMERAIE & CHAIL 79.

Témoignage Jean Noël Lavergne sur sa vie
professionnelle de « marchands de lapins » ou
coquetiers - volaillers – affineurs en sud Poitou.

« Je suis né en 1956 ; je suis d’origine agricole du Cantal par mes grands-parents. En 1976, je suis arrivé en Deux-Sèvres en me mariant avec la petite nièce d’Emile MORIN (1922 – 2019) qui a été coquetier - volailler - affineur à Clussais-La-Pommeraie (79). Son père était lui-même coquetier - volailler mais il n’affinait pas les fromages. C’est Irène, la femme d’Émile, qui a eu la bonne idée de l’affinage des fromages qui était plus rémunératrice que la partie volailles. Emile et ses parents commercialisaient une partie de leurs productions directement sur les halles de Paris grâce au train !

À partir de 1976, j’ai repris l’activité d’Émile à Clussais la Pommeraie. Dans le sud du Poitou les gens nous appelaient les « marchands de lapins » ; administrativement le terme était «BOF » (Beurre – Œufs – Fromages). Mon activité était alors le ramassage des œufs, des lapins, des chevreaux et du fromage blanc en vrac, de vache ou de chèvre. La collecte ne se faisait pas sur les marchés mais uniquement dans les fermes en sud Deux-Sèvres autour des communes de Chef-Boutonne, Lezay, Sauzé-Vaussais, Melleran et Lorigné. Je faisais trois tournées par semaine de 30 à 40 fermes chacune, dont une dizaine pour le fromage. Je roulais en camionnette Citroën H/HY (cf. photographies). Les fermières gardaient alors la moitié de leur production de fromage pour la consommation familiale et l’autre moitié nous était vendue. Le caillé de fromage était acheté au poids avec deux prix différents chèvres et vache. J’achetais environ 10 à 20 kg de caillé par ferme, soit 150 kg d’achat par jour. En complément, j’achetais environ 300 kg de caillé par semaine à la laiterie de Chef-Boutonne pour compléter mes fabrications fromagères ; soit une fabrication hebdomadaire d’environ 3T/mois. À la in des années 1970, mon activité se répartissait Lavergne 7nv Claussais 79approximativement de la façon suivante : 60% du chiffre d’affaire pour les chevreaux et lapins, 30 % pour en caillé pré-égoutté en vrac et 10% pour les œufs ; je n’avais pas de commerce de beurre. Et ma commercialisation des fromages se faisait à 40 % avec des grossistes, 40% avec des centrales d’achat de grandes surfaces et le reste à des magasins locaux en direct. Dans mon secteur, j’avais une concurrence avec M.EPRINCHARD (arrêt vers 1980) et M. FAVRE de Limalonges (arrêt vers 1990);

En 1983, le choc pétrolier a augmenté le prix des carburants ce qui réduit ma marge, notamment sur la partie volailles. L’abattoir de la SACOV à Chef Boutonne ne pouvant pas m’augmenter le prix des chevreaux et des lapins, j’ai alors arrêté cette activité pour me consacrer exclusivement à l’affinage des fromages. Le chiffre d’affaire des œufs a diminué également et les services vétérinaires demandaient une traçabilité qui m’était difficile à réaliser. J’ai alors arrêté le ramassage des œufs pour manque de rentabilité. J’ai alors dû diversifier mes fabrications fromagères pour faire face à l’arrêt de l’activité volailles. J’avais observé les fabrications des deux entreprises Chevrechard et Couturier (ce dernier achetait alors du caillé à la laiterie de Chef-Boutonne). En voyant leurs différents formats de fromages chez nos clients communs, j’ai décidé de les copier pour diversifier ma production. J’ai alors fabriqué du Chabichou et du Cabri ainsi que de la buchette et un format type Mothais sur feuille que j’ai appelé « Chèvre sur Feuille ». Petite anecdote, le chabichou se commercialisait principalement dans les magasins en ville alors que le Mothais se vendait surtout sur les marchés à la campagne.

Dans les années 1990, les gros élevages de chèvres se sont développés dans la région avec une livraison à l’industrie laitière. La collecte de fromages frais en vrac auprès des paysannes vieillissantes a alors stoppé naturellement. L’arrêt de notre activité de marchands de lapins & affineurs a marqué la fin d’un monde. Cette activité avait permis de faire vivre les familles paysannes et rurales depuis des générations. J’estime que 80% des charges alimentaires de ces familles étaient financées par la vente de leurs œufs, volailles, lapins, chevreaux, et ou fromages.

Jean-Noël Lavergne est installé dans l’ancienne Coopérative Laitière de Chail depuis 1983. Il affine des fromages produits dans les fermes et les laiteries. Un savoir-faire acquis par jean-Noël de sa belle famille installée à Clussais-la-Pommeraie. La spécialité de la fromagerie est le Fontadam, un fromage moulé à la main, à base de mélange de lait de chèvre et de lait de vache. L’autre spécialité est le Mothais fermier sur feuille. Un fromage de chèvre affiné sur une feuille de chataignier. La gamme de fromages comprend aussi le Chèvre Cendré, le Cabri, la Buchette Cendrée et le Vacher.

Sources : Capr’Infos – « Les ruptures dans l’histoire caprine » numéro 23, avril 2020.

Serge Schéhadé (Camembert-Museum, 09-mars 2024)

Lavergne 10nv Fontadam 16

Date de dernière mise à jour : 27/06/2024