Fromagerie de Saint-Bomer-Les-Forges (61)
LAITERIE FROMAGERIE DE SAINT-BOMER-LES-FORGES (61) par Gérard Clouet.
En 1892 Victor Hochet (1869-1951) fils d'un aubergiste de Saint Bomer les Forges (61) et exerçant le métier de bourrelier épouse à Champsecret (61) Eugénie Barré (1869-1955) employée à la fabrication de fromage chez son frère Isidore à la ferme de la Vente. Fort du savoir-faire d'Eugénie le couple décide de se lancer dans la fabrication de fromage. Cette même année, la mère de Victor Hochet, Marie Dumesnil veuve depuis 1877 fait détruire et réaménager un bâtiment au hameau des forges pour y installer une fromagerie (au 9 de la rue des Forges actuellement)* 1.
Deux enfants naissent, André en 1893, René en 1895. Les fromages qui sont fabriqués par le couple Hochet reçoivent des récompenses dès 1894 à Belfort (90), à Messei (61) en 1896 puis en 1897 à Paris (75) et Rennes (35). D'autres suivront à Nice (06) en 1898, puis Paris, Rennes et Le Mans (72) en 1899. L’essor de l'activité conduit Victor Hochet à faire construire dans les premières années de 1900 une nouvelle fromagerie, avec cave et écurie en retrait de la route au lieu-dit « La Mésangerie »*2. En 1900 il dépose auprès du tribunal de commerce de Flers la marque « Le camembert du pêcheur ». Faut-il voir là un moyen de se distinguer de la marque «La vraie collation du chasseur» déposée en 1898 par son beau-frère Isidore Barré?
En 1901 la fromagerie Hochet emploie 6 personnes, 10 en 1906 dont Maria Langlois une nièce d'Eugénie*3. Le premier septembre 1907, Victor Hochet est partie prenante d' une convention orale par laquelle lui et quatre autres fromagers (Barré, Bigeon, Langlois de Champsecret, Blanchet de Dompierre ) conviennent « de ne pas prendre de clients, autrement dit de fournisseurs de lait, à leurs confrères, mais à se maintenir dans leur clientèle actuelle sans faire d'incursion dans la clientèle des autres ; qu'ils devaient aussi s'entendre pour faire le même prix aux propriétaires et fermiers, de façon à ce qu'il existât unité de tarif entre les cinq acheteurs ; que ceux-ci s'engageaient d'honneur à respecter ladite convention et que, pour le cas où elle serait enfreinte, chaque contravention devait être passible de 1 000 fr. de dommages-intérêts, qui seraient acquis aux autres parties et partagés respectivement entre celles au mépris du droit desquelles la contravention aurait été commise».*4 En 1911, 7 personnes sont recensées en tant qu'employés. En 1913, la fromagerie fabrique de 1000 à 1200 camemberts et pont-l’évêque par jour*5.
Cette même année, André Hochet, le fils aîné, s'engage au 130ième RI à Mayenne. Promu sergent en avril 1914, il est tué lors des combats de Virton en Belgique fin août 1914. Son frère cadet René est mobilisé en avril 1915 au même régiment. Il est fait prisonnier en février 1916 à Champlon au sud est de Verdun. Il reste en captivité au camp d'Hammelburg en Bavière jusqu'à son rapatriement en décembre 1918. Il est malgré tout maintenu en service actif jusqu'en septembre 1919.
Comme pour son frère aîné André, il est indiqué sur sa fiche militaire qu'il exerçait au moment de sa mobilisation la profession de fromager. À son retour René Hochet reprend sa place dans la fromagerie familiale où il est recensé en 1921 en même temps que 7 autres employés. Mais il la quitte en 1922 pour se marier à Ouvrouër les Champs (45) et s'installer à Jargeau (45) le chef lieu de canton où il est présent en 1927 ( à noter qu'il y a dans cette commune une fromagerie appartenant à M.Poisson)*6. Il revient ensuite en Normandie pour habiter à Beaumont en Auge (14) où il crée une fromagerie qu'il exploitera jusqu'au seuil de la seconde guerre mondiale.
À Saint Bomer, la guerre a, semble-t-il, entraîné une certaine récession de la fabrication qui n'est plus que de 200 à 300 fromages/jour en 1918*5. En 1923 la fromagerie Hochet est transformée en société ainsi qu'en atteste un entrefilet paru le 25 avril 1923 dans le journal de Flers et de l'arrondissement de Domfront : « DANS L’INDUSTRIE LAITIÈRE :Le Publicateur [ journal de Domfront] fait la publication légale de la Société Laitière et Fromagère de Saint-Bômer-les-Forges pour l’exploitation d’un fonds de commerce de laiterie et fromagerie sis à Saint-Bômer-les-Forges, exploité actuellement par M. Hochet, et l’extension éventuelle de ce commerce à tous autres produits alimentaires. Le capital social est de deux cent mille francs divisés en 400 actions de 500 fr.Les administrateurs sont : MM. Georges-Henri-Christian-Marie Rouleaux-Dugage, propriétaire, demeurant à Paris rue de Lisbonne, n° 26 ; Henri-Simon Perret, expert, demeurant à Domfront ; Jean-Georges Montembault, propriétaire, demeurant à Paris, rue des Sablons, n° 35; M. Renaud de Boulancy d’Escayrac, propriétaire à Paris, est commissaire aux comptes du premier exercice social ».
Georges Henri Rouleaux-Dugage (1881-1952) est le maire en exercice de Saint Bomer les Forges et Victor Hochet a été maire adjoint au moins entre 1912 et 1920. Comme indiqué dans le recensement de 1926, la direction de la société laitière est assurée par Émile Perret (1895-1982) le fils d 'un des actionnaires. Émile est originaire de Mayenne (53) ville dans laquelle son père a été professeur d'agriculture à la fin du XIXème. Dans le courant de cette même année, Christian Brand (1867-1936) et sa femme Marie-Ange Reichenbach (1877-1949) une famille de fromagers de Marseille en Beauvaisis (76) font l’acquisition de la fromagerie et s'installent à Saint-Bomer accompagnés de leur fils cadet Paul (1898-1996) qui en prend la direction. La société acquiert un peu plus tard la fromagerie de Saint Pierre d'Entremont-Cerisy Belle Etoile et loue celle de Montsecret à la famille Guillemin*7. Paul Brand reprend de Victor Hochet la marque « La Pomme Normande » et en développe de nouvelles comme « le Saint Bomer » un temps estampillé « Suisse Normande » et le « Paul Brand ».
En 1929 l'annuaire des industries alimentaires mentionne à Saint Bomer la société laitière et fromagère Brand.*8. De 1931 à 1936 Paul Brand est toujours à la tête de l'entreprise familiale avant de se charger cette même année de la direction de la fromagerie de Saint Pierre d'Entremont-Cerisy Bell*e Étoile7.
M. Terry, chef fromager ensemencant les camemberts avec du penicillium camembertii...
La production atteint alors 2000 camemberts par jour. La collecte du lait jusqu'alors assurée avec des moyens hippomobiles est effectuée par des véhicules à moteur.
Après la libération, Edmond Levasseur (1890-1955) le beau-frère de Paul Brand prend la direction des affaires. À la suite de son décès accidentel en 1955, Germain Léon (1876-1962) assume les fonctions de PDG et Paul Brand est reconduit dans ses fonctions de directeur Général adjoint. Pierre Levasseur (1923-2002) sorti de l'ENIL de Surgères (17) dans la promotion n° 73, d'avril 1943 en même temps que Pierre Rigaud de Champsecret*10, assure dès 1954 la direction technique de la SLF dont le chef fromager est alors Marius Legagneux. En 1960 l'entreprise emploie 50 personnes*4
Au décès de Germain Léon, Pierre Levasseur prend la relève. Ainsi pendant une quarantaine d'années les fonctions de Président Directeur Général ont toujours été assumées par un membre de la famille Brand : 1925-1949 Marie-Ange Reichenbach. 1949-1955 Edmond Levasseur. 1955-1962 Léon Germain.1962-1964 Pierre Levasseur *6.
En 1963 la Société Laitière & Fromagère de Saint-Bomer-les-Forges qui possède également la fromagerie de Cerisy Belle Etoile connaît une situation économique difficile. Elle est vendue par la famille Levasseur-Brand au groupe source Périer alors contrôlé par la SAPIEM(A). Cette dernière exploite déjà des laiteries fromageries dans le sud-ouest de la France, du Berry aux Comminges*11. Au moment de la vente la SLF fabrique quotidiennement 5200 camemberts.
Pierre Levasseur est licencié et la production est arrêtée en 1964 en raison de restructurations internes au nouveau groupe laitier en cours de constitution. Pendant quelques temps Pierre Levasseur élèvera des porcs avant de rentrer dans l'entreprise de chaudronnerie Guérin de Niort qui fournissait du matériel de laiterie dont la chaîne de fabrication SERVI comme celle installée à Saint-Georges-des-Groseillers*7.
Date de dernière mise à jour : 02/12/2021