Société Laitière Maggi (Saint-Omer-en-Chaussée)
Création en février 1903 (certains avancent la date de 1899) à Saint-Omer-En-Chaussée, petit village de l’Oise, situé à environ 15 kilomètres de Beauvais, d’une laiterie dite modèle par la Société Laitière Maggi, qui fournissait un lait propre et de très grande qualité, garanti par une fermeture des bouteilles en verre ou en porcelaine par cachets. Dans cette démarche de recherche qualitative, elle était également une des rares laiteries équipée à cette époque d'un laboratoire. Le lait était collecté par environ une quarantaine de laiteries dispersées dans des régions plus au moins proches de la capitale. En avril 1908, Monsieur Fabre, ouvrier de la laiterie, voulant remettre une courroie sur une poulie en marche est saisi et entraîné par la courroie. Il décédera peu après.
Le 15 décembre 1909 l’Assemblée Nationale débattait plusieurs sujets relatifs à la falsification de produits comme la bière, le cidre, le vin et de la nécessité de renforcer les lois qui étaient alors en vigueur. Quand le sujet de la falsification du lait est mis sur la table, bizarrement, la Société Laitière Maggi de Saint-Omer-en-Chaussée qui jouit pourtant d’une excellente réputation est mentionnée par le député socialiste Compère-Morel. Voilà ce qu’il dit: Il est bien certain que ce n'est pas seulement le paysan qui trafique le lait, mais surtout les intermédiaires qui l'achètent et le revendent. Si nous sommes partisans de surveiller la vente du lait et de chercher à découvrir et à punir les fraudeurs quand ils sont de simples paysans, écrémant et mouillant cet aliment de première nécessité dont la consommation est si grande, j'estime que nous devons être encore plus sévères vis-à-vis de ceux qui cherchent, dans le métier, de fraudeur, une source de bénéfices. Et ce qui Indique que les fraudes sont plutôt effectuées par les intermédiaires que par les producteurs, c'est qu'à Paris les prélèvements de laits avariés s'élèvent jusqu'à 39 pour 100, tandis que dans les campagnes ils tombent de 20 à 22 pour 100.
Vous savez par quelles phases passe la vente du lait. Tout d'abord les chefs de dépôt des compagnies laitières envoient leurs voitures à la ronde dans un rayon de 5 à 10 kilomètres autour du dépôt; on prend les pots de lait placés à la porté des fermes ou sur la route. Quand ces pots arrivent, le chef de dépôt les examine, se rend compte du degré d'acidité, puis on les verse dans une énorme cuve appelée mélangeur, de façon à ce que le lait qui titre beaucoup de beurre et celui qui titre moins fassent une moyenne. Quand ce mélange est effectué on prélève un échantillon et on examine le degré de beurre contenu dans un litre de lait. Comme on sait qu'à Paris la quantité obligatoire est de 32 degrés, on réduit le degré en écrémant, puis on enlève 50, 100, 200 ou 300 litres de lait du mélangeur que l'on remplacera par une égale quantité d'eau afin d obtenir cette moyenne. Nous avons de ces faits des preuves que je tiens à mettre sous les yeux de M. le ministre de l'agriculture ; elles sont fournies par les garçons laitiers eux-mêmes, par des gens qui travaillent dans les dépôts dont il s'agit. Ils attestent que des fraudes s'y commettent d'une façon courante et normale. Je citerai par exemple le dépôt de Saint-Omer-en-Chaussée de la compagnie Maggi. Voici ce qu'écrivait un contremaître de cette société au directeur du laboratoire municipal : « Étant encore du moment à la société Maggi à Saint-Omer-en-Chaussée, j'emploie 11 pour 1,000 de soude Solvay et partie égale d'alcali, ce qui fait un gramme de soude Solvay et un centimètre cube d'alcali par litre de lait. Notez que c'est le minimum, car au delà de 15 d'acidité l'on force la dose et on y ajoute de l'eau oxygénée. Vous trouverez de cette poudre de lait chez Euvrard, Radals et Gauthier, rue des Deux-Ecus à Paris ». « Prenez la poudre la plus jaune, c'est celle qui possède le plus de matière prolabée (signifie atteint de prolapsus) De plus vous trouverez la soude Solvay, l’alcali et l'eau oxygénée à Saint-Omer. Si vous êtes pour faire une descente, vous n'avez qu'à me le faire savoir, je vous ferai le plan des pièces où elles se trouvent. Si vous désirez de plus amples renseignements, je suis à votre entière disposition. » Il est triste de songer que ce lait est consommé par les enfants, surtout dans les quartiers ouvriers — car c'est dans ces quartiers qu'est vendu le lait le plus trafiqué - du reste la mortalité infantile est là pour le prouver ! (Applaudissements)
À noter enfin que les usines de Saint-Paul (Oise) et Saint-Omer-en-Chaussée, concurrençaient fortement la société Charles Gervais, solidement implantée dans la région.
Serge Schéhadé [Camembert-Museum, le 17 mai 2021]
Date de dernière mise à jour : 17/05/2021