Spindler Charles (1865-1938)
Collection Privée TM (reproduction interdite)
SPINDLER Charles (1865-1938) Un artiste alsacien.
On pense souvent qu’un artiste a besoin, plus que tout autre homme, d’une vie mouvementée et diverse, pour pouvoir alimenter son imagination et son talent. Certains le croient, et pour renouveler en eux la source des idées, se perdent dans des complications d’existence qui ne font bien souvent que les fatiguer et les distraire. Combien plus vrais sont ceux qui, se suffisant à eux-mêmes, tirent de leur propre personnalité les moyens de fournir une œuvre parfois considérable. Parmi ceux-là, on peut citer Charles Spindler.
Né à Bœrsch le 11 mars 1865, il était appelé à mener une vie aisée et bourgeoise. Rien dans les traditions de sa fa mille ne semblait le prédisposer à la carrière artistique. Mais il était possédé par le désir de s’exprimer et surtout d’exprimer l’âme de son pays, l’Alsace. Il va y consacrer toute sa vie. Il arriva au moment où l’art alsacien avait besoin de renouvellement. Car l’art a besoin pour vivre de se renouveler ; un art qui ne bouge pas, est un art qui meurt. Or, l’art décoratif alsacien, depuis ses armoires Renaissance, ses chaises incommodes, ses faïences de Hannon, avait peu changé. Cela pouvait suffire à sa gloire Mais on eût pu croire qu’ayant créé pour chaque type d’objet un décor lui appartenant, il ne devait plus en bouger. L’art alsacien se mourait. C’est à le faire revivre, tout au moins à fixer la beauté des traditions de son pays, que Charles Spindler se consacra tout entier. Et avec une énergie infatigable, une volonté tenace, il alla, récoltant tous les matériaux nécessaires qui devaient lui permettre de construire un nouveau monument à la gloire de l'Alsace. C'est après avoir travaillé près de Mme Théophile Schuler, puis à Düsseldorf, Munich, que Spindler se fixa en Alsace, où il devait déployer toutes les ressources de son activité. Il revenait dans notre pays ayant conservé son âme alsacienne, étant resté réfractaire aux influences étrangères qu’il avait subies. Son bon sens, sa vue claire et droite des choses qui lui ont permis d’échapper au mauvais goût d’alors dont on voit encore certains modèles proclamer l’horreur et le non-sens. A Strasbourg, Spindler fait la connaissance de plusieurs artistes, parmi lesquels il faut nommer le dessinateur bavarois Joseph Sattler. avec qui il commence à publier « Les Images Alsaciennes » une série de planches inspirées d’histoires et légendes alsaciennes, qu’il sera bientôt seul à diriger. C'est de là qu’est née la Revue Alsacienne Illustrée.
En 1902, il publie un grand ouvrage sur les costumes et les coutumes d'Alsace. Les documents qu’il a découverts une fois réunis, permettront de constituer le Musée Alsacien, ce délicieux joyau qui conserve dans ses murs toute l'histoire de notre bourgeoisie et de nos campagnes. Mais le talent de Spindler est multiple et les domaines qu'il n’a pas explorés sont rares. Tout ce qui lui permet de divulguer son amour pour la petite patrie lui est bon.
Le voilà décorant, au moyen de la marqueterie, des meubles et des objets usuels : personnages, cigognes, paysages. N’est-ce pas tout ce qui est cher au cœur alsacien que nous retrouvons là ? Il ose aussi faire de cet élément décoratif un élément pictural et bien peu auraient eu cette audace. Puis ce sont des mobiliers, où toutes les qualités de Spindler s’épanouissent : des lignes sobres, de la solidité, de la grâce et de l’harmonie sont les caractéristiques de ses meubles. Il expose à Paris, à Saint-Louis, à Dresde, à Leipzig, des ensembles tout à fait remarquables.
Enfin, abordant le domaine purement littéraire, publie un livre qui ne fait qu’ajouter un nouveau fleuron à la couronne que sa vie si bien remplie lui a tressée. Cette vie, si unie et si simple, pourtant si fertile en réussites heureuses, est de celles qu'on aime à feuilleter page par page. Certes, elle mérite une récompense qui ne fait que dire hautement la valeur d’une telle existence et proclamer la reconnaissance que nous tous, Alsaciens, nous devons à cet artiste. Mais il me semble que Spindler, se retournant vers son passé, peut se dire avec un juste orgueil : « J'ai rempli ma tâche. »
Sources : Tribly, Le Journal de l’Est, (1926).
Serge Schéhadé |Camembert-Museum, première publication le 11 décembre 2021]
Date de dernière mise à jour : 23/12/2021