A consommer Sans Modération
À CONSOMMER SANS MODÉRATION par Michel Coudeyre.
En cette époque où la mondialisation s'impose et fait recette, attachons-nous à sanctifier deux de nos gloires nationales, le vin et le fromage. Associés ici sur quelques-unes de nos étiquettes, étiquettes qui faute de devoir inscrire en toutes lettres "à consommer avec modération" sont appelées à disparaître.
Si Brillat-Savarin n'a pas hésité à mêler les belles et jeunes personnes du "sexe" avec le fromage c'est n'en doutons pas sous l'influence éthylique de quelques verres de vin ! Car comment pouvoir se passer de l'un sans l'autre, inséparables comme les Dupont/d, complémentaires comme Astérix et Obélix. S'il est vrai que quelques fromages s'accommodent et se marient volontiers avec du cidre ou de la bière, ce ne sont là que quelques exceptions locales et fortuites qui ne font que confirmer la règle.
Entre le vin et le fromage, les parallèles sont infinies. Les terroirs pour l'un, les herbages pour l'autre ; pour ce dernier, les races bovines, ovines ou caprines, pour le précédent, les nombreux cépages et leurs assemblages. Les vins peuvent être jeunes, les fromages frais. Quand les vins de garde se bonifient, les fromages vieux s'affinent. Les vins peuvent être blancs, rosés, rouges, gris et même jaunes, les fromages sont de vache, de brebis, de chèvre ou encore mixtes. Âpres, gouleyants ou longs en bouche, les vins accompagnent avec bonheur des fromages puissants, tendres, onctueux ou triple crème. Cependant un bonheur n'est jamais parfait, certains vins hélas descendent toutes griffes dehors et nous avons tous connu à nos dépens des fromages particulièrement agressifs. Oublions-les.
S'ils ne sont pas aussi nombreux que les termes argotiques désignant les deux sexes (nous sommes en France), ceux désignant nos deux compères reflètent bien l'intérêt qu'on y porte : le pif, le pinard, le gros-qui-tache, le rouquin, le picrate, le jaja entre autres font face au frometon, au calendos, au claquos ou au coulant baraqué. Ne nous cachons derrière notre petit doigt, nous aimons tous, délaissant le sirop de pébroque ou le Château Lapompe et sans aller jusqu'à siffler une roteuse, nous aimons tous, à l'occasion, lever le coude, s'envoyer un gorgeon, basculer un godet, mouiller la meule ou se piquer la ruche sans bien sûr aller jusqu'à prendre une musette. Mais nous faisons cela en dégustant un de nos bons fromages, après avoir pris soin de mettre de côté la belle étiquette qui lui servait d'enseigne.
Michel Coudeyre [Camembert-Museum, le 28-03-2017]
Date de dernière mise à jour : 07/10/2021