Ils Voyagent...
ILS VOYAGENT....... par Michel Coudeyre.
L'acheminement du lait et des fromages depuis la traite jusqu'au lieu de vente a servi d'illustration à un grand nombre d'étiquettes. Transporté à bras de femme, à dos d'homme, dans des cruches, des seaux, des bidons, tiré par des chiens, quelquefois par des chèvres, le plus souvent à dos d'âne ou de mule, le lait a rejoint l'atelier de transformation pour devenir fromage. Si le transport du lait s'arrête là, ici commence celui du fromage.
La représentation sur les étiquettes de ces transports et expéditions n'est pas innocente. Il s'agit pour les fabricants de montrer l'importance de leur production figurant ainsi une réussite commerciale, gage de qualité reconnue. Comme on peut l'observer sur de nombreuses étiquettes représentant des fabriques, les charrettes d'abord présentes sont vite remplacées par des voitures automobiles, quand les fromages ne sont pas directement expédiés par le chemin de fer jouxtant l'entreprise. Car il ne s'agit pas au regard de la clientèle de prendre du retard mais de rester à la pointe de la modernité et de le montrer.
Les fermiers et les fermières transportant leurs fromages, qui dans des paniers, qui dans des brouettes ou montés sur le dos de leur âne ou de leur mulet, ne seront pas abandonnés pour autant. Cette dualité entre une production artisanale revendiquée et une production industrielle affichée perdurera pendant de nombreuses années, avant que le productivisme ne soit plus considéré comme une donnée à promouvoir.
Si on en croit certaines de nos étiquettes, des fromages seront transportés et livrés par hélicoptère, expédiés dans l'espace pour des consommateurs impatients, ou, à l'instar des pilotes de la Seconde Guerre mondiale larguant de précieux colis, seront largement distribués à une population reconnaissante. Il est à noter que ce dernier thème faisant écho à l'actualité du moment fut repris sur plusieurs étiquettes.
Plus insolite, cette étiquette montrant un aviateur s'approvisionnant directement auprès d'une fermière sans descendre de son engin.
Exception faite des fromages de la Laiterie Coopérative d'Isigny qui en a fait son emblème, ces nombreuses représentations traditionnelles de transports ont été pratiquement toutes abandonnées, rejoignant dans l'oubli la représentation des moines et des fermières qui semble avoir fait son temps.
On aura compris que cet article n'est en fin de compte que prétexte à montrer encore et encore des étiquettes. Que cette inclination me soit pardonnée.
Michel Coudeyre [Publié par Camembert-Museum, avril 2015]
Date de dernière mise à jour : 26/01/2024