La Mue des Etiquettes
LA MUE DES ÉTIQUETTES par Michel Coudeyre
Il ne s'agit pas dans ce présent article de traiter des dégradations préjudiciables subies par un grand nombre de nos étiquettes au cours de leur vie. Ce pénible constat a déjà été traité dans l'article intitulé "Avant-Après". Nous observerons ici les évolutions habituelles qui accompagnent et rythment la vie des étiquettes. Ces modifications sont monnaie courante et inhérentes à toutes les marques, tous produits confondus, qui s'expriment à travers une image représentative ou emblématique. Nous ne tiendrons pas compte des modifications devenues nécessaires pour se conformer à de nouvelles contraintes juridiques, mais des refontes du modèle d'origine décidé pour des raisons esthétiques ; pour se conformer autant que faire se peut aux nouveaux canons en vigueur ou à la mode du moment. Le but étant pour le propriétaire de maintenir le plus possible son étiquette dans une éternelle jeunesse pour l'intérêt de la marque et pour se conformer aux souhaits supposés du consommateur. Il ne faut surtout pas perdre pied avec l'actualité, rester désirable et dans l'air du temps. Se prescrire en quelque sorte une cure de jouvence.
Ces évolutions interviennent quand on prend conscience que le modèle d'origine a vieilli ou est communément considéré comme tel, à l'occasion d'un retirage ou lorsqu'un changement d'imprimeur est intervenu. Le premier souci sera de préserver l'essentiel, les particularités qui font l'originalité du sujet. Bien entendu, seront conservé le thème représenté, son esprit et son style. Les modifications se feront à la marge, sur la forme, avec une facture plus en phase avec la manière en vogue, sans pour autant perturber ou désorienter les consommateurs qui ne doivent surtout pas y voir un abandon, une reculade, car ceux-ci restent très attachés au produit qu'ils achètent et à son apparence. Toute modification du conditionnement présupposera pour l'acheteur une modification du contenu. Tout changement trop important sera vécu comme une défiguration, pire comme une infidélité.
Si les modifications apportées au modèle vieillissant sont pour la plupart du temps initiées à l'intérieur même de la société, celles qui paraissent trop brutales, qui arrivent de façon abrupte et mettent en danger la cohérence, la continuité indispensable à la vie harmonieuse de la marque sont toujours ou presque imposées par un héritier qui veut ainsi confirmer son accession aux responsabilités et marquer son territoire, ou d'un responsable venu de l'extérieur et désireux de justifier son tout nouveau engagement par une prise de décision autoritaire.
Dans tous les cas, ces décisions se prennent à l'encontre de l'intérêt de la marque, sauf si celle-ci et cela peut arriver, souffre d'un déficit d'image et si tout est à réinventer. Certaines images ont comme on dit pris "un coup de vieux" qu'elles ne sont plus "dans le coup" et nécessitent d'être regardées avec un "œil neuf" ; certes, mais très souvent, couper les ponts revient à se retrouver le bec dans l'eau. Avant de prendre des décisions hasardeuses, il est impératif de déterminer les points forts de la marque, ses acquis, de s'attacher à les conforter et à les exploiter au mieux. Il n'y a pas incompatibilité entre le passé et l'avenir, la modernité ne s'affirme jamais autant que lorsqu'elle s'appuie sur un socle solide qui a déjà fait ses preuves.
Observons l'étiquette de la Vache qui Rit, qui même si elle a connu des avatars et des transformations reste fidèle à la première image qu'elle a fixé dans nos têtes, sa couleur inusitée, ses boucles d'oreilles singulières, son rire anthropomorphique en font toute l'originalité. Rien de cela ne semble moderne et pourtant tout est actuel, on ne se pose plus de question à son sujet, on ne reconsidère ni ne juge cet objet devenu familier. Dans d'autres domaines, le bonhomme Michelin a toujours fière allure et n'a pas à rougir de son embonpoint que d'ailleurs personne ne songe à lui reprocher. Le crocodile Lacoste habitant coutumier des marigots peut se prélasser sans souci et pour longtemps encore sur le cœur de bien des personnes.
Mais revenons à nos chères étiquettes et constatons benoîtement que loin de nous contrarier, chaque métamorphose que celles-ci subissent nous permettent d'accroître nos collections.
PS : il est bien évident que j'ai volontairement limité les quelques exemples que je propose ici car ils pourraient s'étendre à la quasi totalité de nos étiquettes.
Michel Coudeyre [Camembert-Museum, Première publication, le 20/08/2017)
Date de dernière mise à jour : 11/09/2017