Pas Si Bête !
PAS SI BÊTE ! par Michel Coudeyre
Depuis le 18e siècle, Maître Corbeau sur son arbre perché a fait bien des émules parmi nos fabricants de fromages et nos créateurs d'étiquettes. Mais si d'aucun pense que le corbeau a chapardé le fromage qu'il tient dans son bec, il n'en est rien. Camembert Museum tient un scoop : celui-ci lui a été offert par son amie la vache, vous en découvrirez ici-même la preuve en image !
Si Renard (merci à Jean de la Fontaine) fut le premier et le plus célèbre rusé à s'emparer du précieux fromage, force est de constater, si on feuillette une collection de tyrosèmes, que le fromage a depuis longtemps sauté de bec en gueule et de gueule en pattes, passant en revue la presque totalité de notre faune. De l'éléphant à la fourmi, tous y ont goûté. Et si l'Ours blanc du Périgord ou le Tigre vendéen côtoie l'Ourson gourmand, il faut y voir là un des effets de la magie engendrée par nos étiquettes. À ce petit jeu, Renard se taille, si je puis dire, la part du lion, alors que goupil dépourvu de patronyme doit se contenter de la portion congrue.
Les volatiles et autres gallinacées sont aussi particulièrement bien représentés, sans doute un mimétisme avec leur cousin le corbeau. Solidarité de plumes en quelque sorte. Se rencontrent aussi en grand nombre les rats et les souris, amateurs inconditionnels, mais aussi les chats et les chiens habitués à d'autres mets et qui pourtant ne dédaignent pas ces festins. Leur proximité avec le genre humain a dû c'est vrai leur faciliter la tâche.
Si les cétacés et les batraciens restent indifférents à ces agapes, un brochet chapardeur oubliant les mouches et les alevins s'invite intempestivement au repas. La vache elle-même avant de nous proposer sa production en contrôle devant nous la qualité, on ne saurait lui reprocher cette conscience professionnelle qui lui fait honneur.
A travers ces illustrations, on constate hélas que la gent animale ne se comporte pas toujours comme il faudrait, si ici et là des banquets sont organisés dans le calme et s'il y a des partages et des offrandes, des vols et des disputes viennent quelque peu ternir cette belle entente. Toujours est-il qu'au risque de digestions problématiques, les herbivores, les ruminants et autres insectivores trahissent pour nous complaire leur habituel régime alimentaire. Il faut leur en être reconnaissant et leur réserver dans nos collections une place bien méritée.
Michel Coudeyre, [Camembert-Museum, 1ère publicatin le 1er novembre 2018]
Date de dernière mise à jour : 14/02/2023